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Paragraphe 1. Les travaux de Lorentz, sa publication de 1904.
Paragraphe 2. La publication d'Einstein
de 1905.
Paragraphe 3. La publication de Poincaré
de 1905.
Paragraphe 4. Résumés
comparatifs.
Les travaux d' Hendrik Antoon Lorentz (1853-1928).
Comme cela a déjà été
dit au chapitre précédent, dés 1895, Lorentz émet
l'hypothèse que le courant électrique dans les corps conducteurs
est dû au déplacement de particules électriquement
chargées. Il émet aussi l'idée que la lumière
est émise par les vibrations de ces corpuscules électriques.
Grâce à cette idée, il prévoit l'influence d'un
champ magnétique sur une source lumineuse (effet Zeeman ) ce qui
lui vaudra le prix Nobel en 1902, ainsi qu'à Zeeman.
Lorentz soutient aussi ensuite avec d'autres scientifiques,
que ce sont les électrons libres d'un métal qui le rendent
bon conducteur de la chaleur, comme de l'électricité. Pour
Lorentz, les électrons libres dans un métal sont comme des
molécules de gaz qui s'agitent dans un récipient.
Lorentz est un très fin mathématicien,
sa maîtrise de l'électromagnétisme est remarquable.
Il complète les équations de Maxwell par un système
d'équations appelées depuis potentiels de Lorentz, qui non
seulement permettent de retrouver les équations de Maxwell, mais
qui de plus donnent le moyen théorique de calculer les champs électromagnétiques
provoqués par des densités de charges en mouvement quelconque.
Complément: Le potentiel dit de Lorentz a été
introduit dès 1867 par L.Lorenz, qui retrouva par ce bias et de
façon indépendante les équations de Maxwell données
en 1864. A.Lorentz cite L.Lorenz pour d'autres résultats. L'utilisation
par A.Lorentz de ce potentiel est si remarquable qu'on lui en attribue
l'invention dans de nombreux livres.
Avant de poursuivre, voici ce que Lorentz dit des électrons, dans un cours professé en 1906 à l'Université de Colombia. On se rendra compte par ce texte, que la lutte contre les atomes était encore très vive. Le texte d'origine est en anglais, j'en donne une traduction en français : "Ce rapide tour d'horizon suffira à vous montrer que la théorie des électrons doit être vue comme une extension au domaine de l'électricité des théories moléculaires et atomiques qui ont prouvé leur utilité dans beaucoup de branches de la physique et de la chimie. Comme les théories atomiques et moléculaires, la théorie de électrons pourra être défavorablement perçue par certains physiciens, qui préfèrent pénétrer les régions nouvelles ou inexplorées en suivant les grandes routes de la science indiquées par les lois de la thermodynamique, ou qui arrivent à d'importants et beaux résultats en décrivant simplement le phénomène et ses relations mutuelles par le moyen d'un système d'équations appropriées. On ne peut nier que ces méthodes ont leur charme propre, en les suivant nous avons le sentiment de rester sur la terre ferme, tandis que dans les théories moléculaires, le physicien trop aventureux encoure souvent le risque de perdre son chemin et d'être trompé par quelques fausses perspectives de succès. Nous ne devons cependant pas oublier, que ces hypothèses moléculaires peuvent se glorifier de certains résultats qui n'auraient jamais pu être obtenus par la pure thermodynamique, ou par le moyen des équations des champs électromagnétiques dans leur forme la plus générale, résultats bien connus par ceux qui ont étudié la théorie cinétique des gaz, les théories des solutions diluées, de l'électrolyse et de la création de courants électriques par la circulation des ions."
A peine plus loin, toujours dans ce même cours
de 1906, Lorentz dit : "Permettez moi de les introduire
(les électrons) par quelques remarques
préliminaires. En premier lieu nous assignerons à chaque
électron certaines dimensions finies, aussi petites qu'elles soient,
et nous fixerons notre attention non seulement sur le champ extérieur,
mais aussi à l'espace intérieur, dans lequel il y a de la
place pour de nombreux éléments de volume et dans lequel
l'état des choses peut varier d'un point à l'autre. A ce
stade nous le supposerons être de même nature que pour les
points extérieurs. En effet, une des plus importantes de nos suppositions
fondamentales doit être que l'éther occupe non seulement l'espace
entre les molécules, les atomes ou les électrons, mais qu'il
pénètre toutes ces particules. Nous ajouterons l'hypothèse
que, bien que la particule puisse se mouvoir, l'éther reste toujours
sur place (the ether always remains at rest) (c'est en
italique dans le texte). Nous pouvons admettre cette
idée à première vue choquante, en imaginant la particule
matérielle comme étant l'expression de certaines modifications
locales de l'état de l'éther. Ces modifications peuvent évidemment
très bien se déplacer en avant tandis que l'élément
de volume du milieu (éther) dans lesquelles elles existent reste
sur place. "
On voit ici que Lorentz conçoit la matière
comme un complexe d'ondes dans l'éther, ceci bien avant Louis de
Broglie, qui associera en 1924 seulement, une onde à tout corpuscule.
La théorie ondulatoire de la matière, ou encore la dualité
ondes corpuscules est clairement annoncée dans le texte ci-dessus.
On s'aperçoit que Lorentz
demande déjà à ses étudiants, en 1906, d'avoir
cette conception ondulatoire pour comprendre sa théorie des électrons.
En 1904 Lorentz fait paraître son mémoire
fondamental: "Electromagnetic phenomena in a system
moving with any velocity smaller than that of light (Amsterdam Proceeding,
27 mai 1904)" .
Titre qui se traduit en français par: "Phénomènes
électromagnétiques dans un système qui se déplace
à une vitesse quelconque inférieure à celle de la
lumière" .
Dans ce mémoire, on y trouve les transformations
dites de Lorentz (d'expression un peu plus générale que ce
que l'on trouve actuellement).
C'est Henri Poincaré qui le premier les appela
ainsi en 1905.
Lorentz donne le nom de Dalembertien à l'opérateur (carré)
qui intervient en permanence dans les équations d'ondes.(Maintenant
on écrit souvent d'alembertien.)
Lorentz signalera que ses transformations, ainsi que la preuve qu'elles conservent les propriétés de l'éther, ont déjà été publiées en 1887 par un certain Voigt à propos d'une étude de l'effet Doppler, mais que cet écrit lui a échappé jusqu'à la sortie de ses propres travaux en 1904. Le papier de Voigt est :"Über das Doppler'sche Princip" (Gött. Nachrichten p.41 1887).
Dans son mémoire de 1904, à l'aide de ses transformations, Lorentz donne les intensités du champ électromagnétique produit par un électron à vitesse constante, et calcule la masse longitudinale et transversale de cet électron, comme c'est indiqué au chapitre précédent.
La valeur de l'énergie sera donnée
peu après par Max Abraham dans son papier : Die Gundhypothesen der
Electronentheorie, Phys. Zeitschrift 5 p 576 1904 .
J'ouvre ici une parenthèse
pour donner les énergies trouvées en 1904.
Si mo désigne comme plus haut
et selon la même formule, la masse inerte de l'électron au
repos,
l'énergie dépensée pour l'amener de la vitesse
v' à la vitesse v est :
(F1)
tandis que l'énergie électromagnétique de l'électron à vitesse v est :
(F2)
Le terme de
cette dernière équation sera interprétée en
1905 par Henri Poincaré comme l'énergie potentielle des forces
de cohésion de l'électron.
En ajoutant à E ce dernier terme, on trouve
que l'énergie totale de l'électron est :
(F3)
Cette dernière formule, et les deux précédentes données en 1904, font déjà apparaître la célèbre équation : Energie = mc2 avec m = m0/b , que l'on attribue à Einstein.
Je précise que dans la publication de juin
1905 d'Einstein, on ne voit pas encore exactement (F3), mais seulement
la formule F(1) dans laquelle v' = 0 ce qui donne b'=1. Einstein calcule
comme Lorentz et Abraham sur des champs électromagnétiques,
mais dans sa conclusion il suppose que m0 est une masse d'origine
quelconque. En septembre 1905 Einstein publie un complément de relation
entre masse et énergie, complément toujours basé sur
l'électromagnétisme et qui sera examiné plus bas.
Fin de la parenthèse.
Dans son ouvrage de 1904, Lorentz émet encore l'hypothèse que toute force, quelqu'en soit l'origine, est affectée par ses transformations, de la même manière que les forces électromagnétiques. Hypothèse qui sera examinée et développée par Henri Poincaré en 1905 pour les forces gravifiques.
Voici comment Lorentz conçoit la matière
et sa contraction sous l'effet de la vitesse. (Je traduis le texte en français.)
"Retournons aux hypothèses
par lesquelles nous avons tenté de rendre compte de l'expérience
de Michelson. Nous pouvons comprendre la possibilité des changements
de dimensions, si nous avons en tête que la forme d'un corps solide
dépend des forces qui existent entre ses molécules, et que,
en toute probabilité, ces forces sont communiquées par l'intermédiaire
de l'éther selon un schéma qui ressemble plus ou moins à
celui par lesquelles les actions électromagnétiques sont
transmises à travers ce milieu (l'éther). De ce point de
vue, il est naturel de supposer que, comme pour les forces électromagnétiques,
les attractions et répulsions moléculaires sont quelque peu
modifiées par une translation communiquée par le corps, et
il pourrait très bien en résulter un changement de dimensions.
Maintenant il est vraiment remarquable de trouver exactement le taux de
changement que nous avions posé (dans un paragraphe précédent),
en étendant aux actions moléculaires le résultat trouvé
pour les forces électriques, .."
On voit que Lorentz pense que les atomes d'un corps solide sont liés les uns aux autre par des forces autres qu'électromagnétiques, alors que maintenant nous savons que ce ne sont que des forces électromagnétiques ou presque, qui relient ces atomes très distants, ce qui explique encore mieux qu'à l'époque de Lorentz, pourquoi les corps se contractent, sans aucune hypothèse métaphysique supplémentaire sur l'espace et le temps.
Je signale ici que Lorentz pose arbitrairement dans
sa publication de 1904 certaines variables qui ressemblent à une
densité de charge électrique et à une vitesse.
Les calculs faits avec ces variables sont absolument
rigoureux, mais les résultats obtenus (qui sont justes) ne sont
pas des plus symétriques.
Lorentz passe ainsi à coté du véritable
théorème d'addition des vitesses, à coté de
la bonne formule qui permet de calculer, dans différents repères,
la densité de charge d'un corps en mouvement, et à coté
de meilleures transformations de ses potentiels. (Lorentz donne les bonnes
transformations des champs électromagnétiques, mais celles
données pour ses potentiels, bien que justes, ne sont pas excellentes
du fait du choix de variables mal adaptées.)
Les forces s'expriment aussi de manière un
peu différente.
Henri Poincaré redéfinira ces variables
en les justifiant, ce qui donnera des formules plus en accord avec le principe
de relativité.
Les variables redéfinies par Poincaré
s'avèrent identiques à celles données par Einstein
moins d'un mois avant Poincaré. Poincaré souligne la différence
avec Lorentz, tandis qu'Einstein, n'évoque pas la publication de
Lorentz.
Autres travaux, autre idées.
Lorentz étudie l'électron accéléré,
ce qui le conduit à des calculs compliqués. Il en déduit
que l'accélération fait émettre à l'électron
des ondes électromagnétiques.
Puisque la masse inerte d'un électron semble
d'origine entièrement électromagnétique, Lorentz admet
l'idée que toute masse est d'origine électromagnétique.
Comme "l'électron" positif d'un atome d'hydrogène
est 1830 fois plus inerte que son électron négatif, et qu'il
possède la même charge électrique, on en conclu que
son diamètre est 1830 plus petit que celui de son électron
négatif (c'est bien de plus petit qu'il s'agit) . En langage moderne
on dirait que le diamètre du proton est 1830 fois plus petit que
celui de l'électron. A cette époque, les
atomes étaient toujours niés par certains scientifiques,
et leur structure totalement inconnue.
La gravité étant un phénomène
mal expliqué, Lorentz tente de la ramener à l'électromagnétisme.
Il suppose que la force gravifique n'est qu'un aspect des forces électromagnétiques,
et qu'elle subit les mêmes transformations.
Il émet alors l'idée que deux électrons
de signes contraires s'attirent avec une force légèrement
plus grande que celle qui repousse deux électrons de même
signe. La gravité n'étant que le résultat de cette
différence.
Les calculs faits avec cette hypothèse, expliquent
en partie l'avance du périhélie de mercure.
Dans ses écrits, Lorentz parle constamment d'éther, de contraintes dans l'éther, de forces exercées par une partie d'éther sur une autre, comme le font de nombreux physiciens de l'époque, mais il fait remarquer que personne ne donne d'interprétation satisfaisante des champs électromagnétiques en termes de déformations de cet éther. Les propriétés de l'éther restent mystérieuses, et ceci malgré les très nombreux calculs faits en électromagnétisme.
Dans son livre "Théorie des électrons" basé sur son cours de 1906, édité en 1909 et réimprimé en 1915, Lorentz cite la relativité d'Einstein. Il reconnait qu'il n'a pas osé utiliser le temps local défini par ses transformations, de la même façon que l'a fait Einstein. Il convient que le choix de variables cité plus haut n'est pas le mieux adapté mais qu'il est le plus naturel lorsque l'on ne se base pas a priori sur le principe de relativité. Tout en reconnaissant l'intérêt du point de vue d'Einstein, Lorentz montre comment sa conception de la matière et de l'éther explique ce principe de relativité, et il souligne qu'il tient toujours à l'éther, et que de ce fait, il ne lui paraît pas adroit de poser ce principe à priori .
Voici ce qu'il écrit "I cannot but regard
the ether, which can be the seat of an electromagnetic field with its energy
and its vibrations, as endowed with a certain degree of substantiality,
however different it may be from all ordinary matter. In this ligne of
thought, it seems natural not to assume at starting that it can never make
any difference whether a body moves through the ether or not, and to measure
distances and lenghts or times by means of rods and clocks having a fixed
position relatively to the ether."
Ce qui se traduit par :" Je
ne peux pas ne pas considérer l'éther, propre a être
le siège d'un champ électromagnétique avec son énergie
et ses vibrations, comme doté d'un certain degré de substantialité,
aussi différent qu'il puisse être de la matière ordinaire.
Suivant cette ligne de pensée, il semble naturel de ne pas supposer
au départ qu'il ne sera jamais possible de faire aucune différence
entre un corps qui se meut ou pas dans l'éther, et (naturel) de
mesurer les distances et longueurs ou les temps au moyen de règles
et d'horloges ayant une position fixée par rapport à l'éther."
Pour Lorentz, le seul véritable temps est
le temps universel du repère attaché à l'éther.
Le temps local n'étant qu'une forme pratique de sa mesure et un
artifice de calcul qu'il utilise avec une grande dextérité.
La contraction des longueurs ne posant pas de problème.
Lorentz nomme "variables pratiques"
celles obtenues par ses transformations, car ce sont elles qui fournissent
les résultats des mesures effectuées dans le système
en mouvement.
En 1904, J.J. Thomson décrit l'atome comme
un agglomérat d'électrons négatifs et d'un "électron
positif". La nature atomique des corps, jointe à cette conception
de l'atome, et aux travaux de Lorentz, explique encore très bien
la contraction de Fitzgerald, qui rend compte du résultat négatif
de l'expérience de Michelson et Morlay. Selon Lorentz, tout électron
se contracte, donc tout atome, donc tout corps constitué d'atomes.
Lorentz est convaincu du principe de relativité,
mais il l'explique par l'électromagnétisme,
les atomes, les électrons et l'éther, et ne l'admet
pas pour fondement contrairement à Einstein. Les transformations
qu'il a données étant la clé de cette explication.
Les travaux de Lorentz de 1904 ont beaucoup impressionné
Henri Poincaré, qui en publiera, en juillet 1905, une analyse enrichie.
Mais les explications de Lorentz ne pouvaient que contrarier
les disciples de l'énergétique et du relativisme (Mach, Duhem...),
qui eux cherchaient à se passer des atomes, des électrons
et de l'éther. Le dénigrement par les relativistes
des solutions mécanistes, ne pouvait que faire paraître caduques
les méthodes qui fournirent ces importants résultats de 1904
(formules de Lorentz, d'Abraham). Et l'on persite encore aujourd'hui à
considérer ces méthodes comme caduques.