Ondes et Relativité
Serge Cabala
Aspects historiques des ondes et de la relativité.

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Chapitre VI
Les travaux de Lorentz, d'Einstein et de Poincaré.
Paragraphes 3et 4.

Paragraphe 3. La publication d'Henri poincaré de juillet 1905.
Paragraphe 4. Résumés comparatifs.

Paragraphe 3.
La publication d'Henri Poincaré de juillet 1905.
a) Les travaux.
b) Epilogue. <<<>>>

a)Les travaux.
    Moins d'un mois après l'envoi des travaux d'Einstein aux Annalen der Physik, le Cercle mathématique de Palerme reçoit pour publication, le 23 juillet 1905, un article d'Henri Poincaré intitulé : Sur la dynamique des électrons.
    Mais un compte rendu de son travail avait déjà été fait le 5 juin 1905 à l'Académie de Sciences de Paris. (T. 140, p 1504, séance du 5 juin 1905), avant donc l'envoi d'Einstein.
    Dans cet article, Henri Poincaré confirme les résultats de la publication de 1904 de Lorentz.
    Tout d'abord, il nomme transformations de Lorentz, les transformations données en 1904 par Lorentz.
    Il donne ensuite dans une première partie le théorème d'addition des vitesses, et corrige certaines expressions données par Lorentz (nouvelle densité de charge, nouveaux potentiels, nouvelles forces), comme je l'ai déjà signalé à propos des travaux de Lorentz (chap.VI p. 2).
Je cite Henri Poincaré :" Ces formules diffèrent notablement de celles données par Lorentz, mais la divergence ne porte en dernière analyse que sur les définitions."
    Je rappelle que Lorentz fait ses calculs en fonctions de certaines variables qu'il pose et qui ne correspondent pas exactement à celles de Poincaré, ce qui explique les différences.

    Dans les parties deux et trois, Henri Poincaré montre que l'on retrouve certaines formules de la partie un, en appliquant le principe de moindre action à certaines intégrales qui contiennent des expressions électromagnétiques. Mais il ne dit pas pourquoi il fait intervenir ces expressions, ni ne donne d'interprétation physique à ces intégrales. On constate simplement que cela marche fort bien. Ce que Poincaré appelle action par unité de temps d'un champ électromagnétique, c'est la différence entre l'énergie totale (calculée sur tout l'espace) du champ électrique et l'énergie totale du champ magnétique. On constate qu'entre deux dates, cette action est toujours minimale. (C'est l'intégrale par rapport au temps de l'action par unité de temps entre les deux dates qui est minimale, lorsque l'on conserve les états aux deux dates). Réciproquement, en se donnant une partie des lois de l'électromagnétisme, et en appliquant le principe de moindre action, Henri Poincaré retrouve l'autre partie. Il fait de plus remarquer que les transformations de Lorentz n'altèrent pas l'action, ce qui est un résultat intéressant.
    Ce principe de moindre action électromagnétique est actuellement peu ou pas évoqué.
    Il est calqué sur le principe de moindre action en mécanique classique (principe de Hamilton), dans lequel l'action par unité de temps est la différence entre l'énergie cinétique et l'énergie potentielle, action qui dans ce cas n'a pas non plus d'interprétation physique directe.

    Personnellement, je trouve peu satisfaisant d'appliquer un principe à connotation métaphysique à une quantité dont on perçoit mal la signification matérielle. Bien que le procédé paraisse élégant pour en tirer certaines lois, le principe de moindre action occulte souvent les causes véritables. J'en donne ici un exemple.
    Le principe de moindre action, connu en optique géométrique sous le nom de principe de Fermat, permet de trouver la loi de la réfraction sans nous informer en rien de la nature de la lumière.
    Mais de plus, si l'on se met sous l'hypothèse de Newton, selon laquelle la lumière est formée de corpuscules qui vont plus vite dans les milieux réfringents que dans le vide, on trouve, en employant la méthode utilisée par Descartes, la bonne loi de réfraction (loi des sinus), bien que dans ce cas le principe de Fermat ne soit pas satisfait ( l'hypothèse de Newton n'obéit pas au principe de Fermat) . On peut cependant avec l'hypothèse de Newton définir une expression adéquate, différente de celle utilisée par le principe de Fermat, qui vérifie le principe de moindre action. (Voir l'annexe pour la démonstration). Le principe de moindre action est trop accommodant pour qu'on puisse l'utiliser en toute confiance.

    Dans le paragraphe quatre, Poincaré montre que les transformations de Lorentz (telles qu'elles sont actuellement connues) forment un groupe, qu'il nomme groupe de Lorentz. Ce résultat très important permet une manipulation plus générale et plus aisée de ces transformations, il permet de comprendre pourquoi le principe de relativité est toujours respecté par toutes les translations uniformes.

Dans le paragraphe cinq, intitulée : "Ondes de Langevin", Henri Poincaré, résume et améliore un certain travail de Langevin.
    Je cite le début: " Monsieur Langevin a mis sous une forme particulièrement élégante les formules qui définissent le champ électromagnétique produit par le mouvement d'un électron unique." (Le mouvement est quelconque.)
    Langevin trouve que l'électron produit ce qu'il appelle une onde de vitesse et une onde d'accélération.
    Poincaré montre que : "Le calcul de ces deux ondes est facilité par la transformation de Lorentz."
    Cette partie se termine par : "Je me bornerai à renvoyer pour plus de détails au Mémoire de M. Langevin dans le Journal de Physique (année 1905)."

    Je précise ici que, comme Lorentz, Poincaré reste toujours dans le système de référence formé par l'éther. Les transformations de Lorentz ne sont pour lui que des changements de variables dans des expressions mathématiques pour faciliter les calculs. Il évite de leur donner une interprétation plus physique.

    La partie six est nommée : "Contraction des électrons."
    Cela commence par : "Supposons un électron unique animé d'un mouvement de translations rectiligne uniforme. D'après ce que nous venons de voir, on peut, grâce à la transformation de Lorentz, ramener l'étude du champ déterminé par cet électron au cas où l'électron serait immobile; la transformation de Lorentz remplace donc l'électron par un électron idéal immobile."
    Cette introduction confirme ce que je viens de dire à peine plus haut. Poincaré ne se place pas dans le référentiel en mouvement qui accompagne l'électron, il le remplace par un autre qui est immobile dans l'éther.
    Le contenu de cette partie est annoncé par ce qu'on y lit un peu plus loin:
    " Il s'agit maintenant de déterminer l'énergie totale due au mouvement de l'électron, l'action correspondante et la quantité de mouvement électromagnétique, afin de pouvoir calculer les masses électromagnétiques de l'électron."
    Poincaré compare différents résultats obtenus par Abraham, Langevin et Lorentz.
    Ils analyse les énergies, les actions électromagnétiques (comme définie plus haut), et les quantités de mouvement électromagnétique (nom donné par Abraham en 1903 et qui est aussi appelé quantité de mouvement d'éther par Lorentz), d'un électron à vitesse v qui suit soit l'hypothèse d'Abraham, soit celle de Langevin, soit celle de Lorentz (électron sphérique indéformable, électron elliptique de volume constant, électron elliptique qui conserve deux axes constants sur trois).
    Cette partie se termine par : "On retrouve l'hypothèse de Lorentz à la condition d'ajouter un potentiel supplémentaire proportionnel au volume de l'électron."

    Les paragraphes sept et huit complètent le six.
    Je cite un extrait du paragraphe huit qui résume ces trois parties. "Si l'inertie des électrons est exclusivement d'origine électromagnétique, s'ils ne sont soumis qu'à des forces d'origine électromagnétiques ou aux forces qui engendrent le potentiel supplémentaire, aucune expérience ne pourra mettre en évidence le mouvement absolu.
    Quelles sont alors ces forces qui engendrent le potentiel? Elles peuvent évidemment être assimilées à une pression qui régnerait à l'intérieur de l'électron; tout se passe comme si chaque électron était une capacité creuse soumise à une pression interne constante (indépendante du volume); le travail d'une pareille pression serait évidemment proportionnel au volume. Je dois observer toutefois que cette pression est négative."
    Je cite ici aussi une partie de l'introduction qui explique bien le travail fait dans ces paragraphes six sept et huit.
    "Il faut donc en revenir à la théorie de Lorentz; mais si l'on veut la conserver et éviter d'intolérables contradictions, il faut supposer une force spéciale qui explique à la fois la contraction et la constance de deux axes. J'ai cherché à déterminer cette force, j'ai trouvé qu'elle peut être assimilée à une pression extérieure constante, agissant sur l'électron déformable et compressible, et dont le travail est proportionnel aux variations du volume de cet électron.
    Si alors l'inertie de la matière était exclusivement d'origine électromagnétique, comme on l'admet généralement depuis l'expérience de Kaufmann, et qu'à part cette pression constante dont je viens de parler, toutes les forces soient d'origine électromagnétiques, le postulat de relativité peut être établi en toute rigueur. C'est ce que je montre par un calcul très simple fondé sur le principe de moindre action."

    Dans toute sa publication Henri Poincaré utilise abondamment le principe de moindre action. Au paragraphe huit, il modifie même l'action des paragraphes précédents en lui ajoutant le potentiel supplémentaire des forces de pression négative qu'il évoque ci-dessus.

    La pression négative constante trouvée par Poincaré est un résultat très important, cela permet de déterminer facilement l'énergie totale d'un électron en translation uniforme, étape qui pourtant n'apparaît pas dans son travail, trop concentré sur le principe de moindre action, il a négligé ce qui certainement lui paraissait être un détail. Ou alors, ayant déjà fait quelques remarques négatives à propos de l'énergie intra-atomique proposée par Gustave Lebon en 1903, il n'a pas voulu insister sur le sujet. (Et par la suite, Poincaré n'évoquera jamais le problème de l'énergie totale contenue dans une masse donnée, et ne citera jamais Gustave Lebon.)
    Max Abraham objecta que cette pression négative constante, mettait l'électron dans un état d'équilibre instable, l'électron n'étant en équilibre que pour certaines déformations, tandis que pour d'autres, les forces en présence ne faisaient que les accentuer à l'infini. Lorentz répondit que cette objection n'était pas suffisante pour rejeter l'hypothèse, car l'électron n'était peut être pas déformable à volonté. Je rappelle qu'Abraham était avant les travaux de Lorentz partisan d'un électron sphérique indéformable.
    Je ferai de plus remarquer que la pression négative constante obtenue la première fois par Poincaré peut être directement calculée sur l'électron déformé de Lorentz.

    Le paragraphe neuf, le dernier de cette publication, est consacré aux "Hypothèses sur la Gravitation."
    Il commence par : " Ainsi la théorie de Lorentz expliquerait complètement l'impossibilité de mettre en évidence le mouvement absolu, si toutes les forces étaient d'origine électromagnétique."
    Un peu plus loin on lit : "Lorentz a donc été obligé de compléter son hypothèse en supposant que les forces de toute origine, et en particulier la gravitation, sont affectées par une translation (ou, si l'on aime mieux, par la transformation de Lorentz) de la même manière que les forces électromagnétiques."
    La suite de ce paragraphe consiste à trouver une transformation des forces qui soit en accord avec ce qui vient d'être dit.
    Henri Poincaré exhibe pour cela certaines propriétés du groupe de Lorentz qu'il a présenté au paragraphe 4.

    Il signale que les substitutions de ce groupe n'altèrent pas la forme quadratique:  .
    Il nous fait regarder  () comme les coordonnées d'un point dans l'espace à quatre dimensions.
    Puis il dit : " Nous voyons que la transformation de Lorentz n'est qu'une rotation de cet espace autour de l'origine, regardé comme fixe."
    Nous voyons apparaître ici l'interprétation de la transformation de Lorentz qui sera publiée trois ans plus tard (en 1908) par Minkowski.

    Après avoir trouvé certains invariants du groupe de Lorentz, Henri Poincaré propose des solutions qui conviennent aux transformations de la force gravifique et montre que ces solutions ne sont pas uniques.
    N'ayant pas donné la solution définitive qui corresponde à la réalité physique, il termine par : " Mais une discussion approfondie pourra seule nous l'apprendre."
    Il est vraiment étonnant de trouver dans cette publication de 1905 l'interprétation que l'on attribue toujours à Herman Minkowski (1864-1909) .
 
    Pour terminer, je cite une partie du compte rendu de Poincaré fait le 5 juin 1905 à l'Académie de Sciences de Paris.
    Mais auparavant je rappelle que l'hypothèse de Lorentz citée ci-dessous est celle d'un électron qui se déforme en gardant deux axes constants.
    "Mais avec l'hypothèse de Lorentz, l'accord entre les formules ne se fait pas tout seul; on l'obtient, et en même temps une explication possible de la contraction de l'électron, en supposant que l'électron déformable et compressible, est soumis à une sorte de pression constante extérieure dont le travail est proportionnel aux variations du volume.
    Je montre, par une application du principe de moindre action, que, dans ces conditions, la compensation est complète, si l'on suppose que l'inertie est un phénomène exclusivement électromagnétique, comme on l'admet généralement depuis l'expérience de Kaufmann, et qu'à part la pression constante dont je viens de parler et qui agit sur l'électron, toutes les forces sont d'origine électromagnétique. On a ainsi l'explication de l'impossibilité de montrer le mouvement absolu et de la contraction de tous les corps dans le sens du mouvement terrestre."
 
b) Epilogue.
    Les travaux de Poincaré sont malheureusement passés inaperçus. L'utilisation du principe de moindre action, considéré comme sulfureux par beaucoup de scientifiques pro-atomiques, et par lui-même quelque temps auparavant, a certainement fait que l'on a abordé ce travail avec une certaine réticence. Il faut reconnaître que son utilisation augmente les difficultés de lecture, surtout lorsqu'on l'applique à des expressions dont le sens physique n'est pas des plus clair. Poincaré est un fin mathématicien, qui recherche l'efficacité sans se préoccuper des embarras des lecteurs.

    Pourtant, l'utilisation intensive du principe de moindre action aurait dû plaire aux partisans de la théorie énergétique de la matière, celle soutenue par les anti-atomistes; mais il n'en a rien été. Ils ont préféré adopter le principe de relativité d'Einstein, et ce d'autant plus que Poincaré fait en permanence référence à l'électron de Lorentz qui est un grain insécable de pure électricité.
    De plus, la référence à l'éther, faite dans son introduction à propos de la gravitation, n'a pas dû ravir les partisans de l'énergétique. Voici ce qu'il écrit : "Si la propagation de l'attraction se fait avec la vitesse de la lumière, cela ne peut être par une rencontre fortuite, cela doit être parce que c'est une fonction de l'éther; et alors il faudra chercher à pénétrer la nature de cette fonction, et la rattacher aux autres fonctions du fluide."
    Et dans ses publications ultérieures, Poincaré continuera à constamment parler d'éther.
 
    L'usage des transformations de Lorentz trop strictement limité à l'électromagnétisme a aussi contribué au succès d'Einstein. On constate dans toutes ces publications, qu'aucune application n'a été faite à d'autres ondes. Qu'aucune interprétation par la mécanique classique des milieux élastiques n'a été présentée pour ces transformations. Qu'aucune interprétation cinématique simple n'a été fournie. Tout est fait sur l'électron et la lumière.
 

 Paragraphe 4.
Résumés comparatifs.

    L'examen de ces trois publications nous fait clairement apparaître que :
    Lorentz est un mécaniste qui fait de la mécanique ondulatoire dans l'éther. C'est un atomiste convaincu, ses atomes n'étant que l'expression de certains états de l'éther. Pour lui, lorsque l'atome voyage, l'éther reste sur place. Pour Lorentz, seul l'éther semble exister. Mais Lorentz n'est pas le seul à avoir cette conception. Langevin a aussi une vue ondulatoire.
    A propos de Lorentz et de Langevin, Poincaré écrit en 1906 : " C'est ce qu'a cherché Lorentz, et il a trouvé que tous les atomes, tous les électrons positifs ou négatifs, devaient avoir une inertie variable avec la vitesse, et précisément avec les mêmes lois. Ainsi tout atome matériel serait formé d'électrons positifs, petits et lourds, et d'électrons négatifs, gros et légers, et si la matière sensible ne nous apparaît pas électrisée, c'est que ces deux sortes d'électrons sont à peu près en nombre égal. Les uns et les autres sont dépourvus de masse et n'ont qu'une inertie d'emprunt. Dans ce système il n'y a pas de vraie matière, il n'y a que des trous dans l'éther.
Pour M. Langevin la matière serait de l'éther liquéfié, et ayant perdu ses propriétés; quand la matière se déplacerait, ce ne serait pas cette masse liquéfiée qui cheminerait à travers l'éther; mais la liquéfaction s'étendrait de proche en proche à la nouvelle portion de l'éther, pendant qu'en arrière, les parties d'abord liquéfiées reprendraient leur état primitif. La matière en se mouvant ne conserverait pas son identité." (La Science et l'Hypothèse, édition 1907, La fin de la matière.).
    Si l'on se reporte à ce qu'a écrit Lorentz dans sa "Théorie des électrons", ce ne sont pas des trous dans l'éther, mais un état particulier de l'éther qui donne l'illusion de l'existence d'un électron (voir la citation exacte que j'ai donnée lors de l'exposé de ses travaux). Il semble que cette conception d'atomes, analogue aux bulles qui montent dans un verre d'eau, soit une idée de Poincaré.
 
    Einstein fait une théorie des corps rigides basée sur une nouvelle vertu de l'espace et du temps. Sa conception est dictée par les vues des partisans du relativisme et de l'énergétique (Auguste Comte, Mach, Oswald, Duhem...). Pour Einstein seule la matière rigide existe, les diverses équations et théories des champs ne faisant que décrire les interactions mutuelles des corps rigides qui se meuvent dans un espace vide très vertueux.
    Sa théorie se passe des atomes et de l'éther.
 
    Poincaré fait des mathématiques de haut niveau. Ses idées exprimées par des calculs assez difficiles, sont voisines de celles de Lorentz. Il est le premier, avant Minkowski, à avoir donné un interprétation géométrique des transformations de Lorentz.
 

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