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Paragraphe 5. Découverte des rayons x, de la radioactivité
et de son énergie.
Paragraphe 6. Un précurseur de l'équivalence
matière énergie: Gustave Le Bon.
Les rayons x.
En 1895, Roentgen s'aperçut que les tubes
de Crookes en action voilaient les plaques photographiques stockées
à proximité, et ce d'autant plus que leur tension d'alimentation
était plus élevée. Crookes avait noté ce fait
sans y prêter attention, il se contentait d'écarter ses plaques
photographiques. Roentgen, seul, vit là l'indice d'un nouveau rayonnement.
Il montra que c'est la rencontre du flux cathodique avec un obstacle qui
provoque ce rayonnement mystérieux, qu'il baptisa x. Ces rayons
x furent en 1913 formellement identifiés à de la lumière
de très courte longueur d'onde.
La radioactivité.
Ayant constaté que les rayons x provoquaient
la fluorescence de certaines substances, Henri Poincaré posa la
question de savoir si à son tour les substances fluorescentes n'étaient
pas sources de rayons x capables d'impressionner une plaque photographique.
Le 24 février 1896, Henri Becquerel annonça à l'Académie
des Sciences, que des sels fortement phosphorescents (le sulfate double
d'uranyle et de potassium) exposés plusieurs heures au soleil, puis
posés sur une plaque photographique enveloppée dans deux
feuilles de papier très épais, font apparaître leurs
silhouettes sur la plaque développée. Le 2 mars de la même
année, Becquerel signala à l'Académie que l'exposition
au soleil était inutile. La luminescence n'est pas la cause du phénomène.
Toujours la même année, Becquerel montra
que les sels d'uranium non phosphorescents et l'uranium métallique
produisent les mêmes effets. Becquerel donna le nom de "rayons uraniques"
à cette nouvelle émanation.
L'impression des plaques photographiques par les
sels d'urane, avait déjà été notée en
1867 par Niepce de Saint Victor, qui en fit un compte rendu à l'Académie
de Sciences.
En juillet puis décembre 1898, Pierre et Marie Curie annoncent la découverte du polonium puis du radium. Ils qualifient de radioactifs les corps qui sont la source de rayons uraniques.
En 1899 Ernest Rutherford (1871-1937), qui travailla
au Cavendish Laboratory de 1895 à 1898 sous la direction de J.J
Thomson, puis devint en 1898 professeur de physique à l'université
Mac-Gill de Montréal, montre que les rayons uraniques sont complexes
et contiennent deux sous-type. Les rayons alpha, facilement absorbables,
et les rayons bêta plus pénétrants.
En 1900, P. Villard en découvre une troisième
sorte encore plus pénétrante, ce sont les rayons gamma.
En 1902 Rutherford émet l'idée qui
fit scandale, que la radioactivité provient de désintégrations
atomiques, et avec Frederick Soddy (1877-1956) il dégage certaines
lois sur cette radioactivité (constante radioactive, durée
moyenne de vie). Puis en 1903, toujours avec Soddy, il présente
une théorie des transformations successives subies par le radium.
Par un travail acharné, quelques années plus tard, ces deux
scientifiques sont parvenus à décrire la chaîne des
désintégrations successives, avec ses multiples ramifications,
qui transforme l'uranium en plomb en passant par le radium et le polonium.
Toujours en 1903 Pierre Curie et Laborde observent que le radium dégage en permanence et spontanément une chaleur très importante, plus de 100 (134,7) calories par heure pour un gramme de radium.
Toutes ces découvertes, faites depuis 1897,
bouleversent les énergétistes-équivalentistes-relativistes.
Ils peuvent à la rigueur admettre ou refondre les théories
corpusculaires de l'électricité et de la matière,
mais comment expliquer dans le cadre de l'énergie, cette chaleur
permanente produite par le radium. Le principe le plus fondamental de cette
école, la conservation de l'énergie totale d'un système
isolé, semble complètement démenti par cette dernière
découverte.
Les atomistes, qui tiennent aussi à la conservation
de l'énergie, sont tout autant étonnés et déroutés,
et certains refusent même toute idée de désintégration
atomique, tel Lord Kelvin.
Fredrick Soddy écrit en 1908: "Les
substances radioactives sont perpétuellement le siège, sans
être stimulées et sans s'épuiser, d'une continuelle
émission d'énergie. Il serait oiseux de nier que la science
physique fut prise complètement au dépourvu par cette découverte.
Si une douzaine d'années auparavant, quelqu'un se fut aventuré
à prévoir l'existence du radium, on lui aurait simplement
répondu qu'une telle chose était non seulement tout à
fait impossible, mais réellement opposée à tous les
principes établis de la science de la matière et de l'énergie."
Encore en 1903, Gustave Le Bon (1841-1931), directeur de la Revue scientifique, fondateur de la Bibliothèque de Philosophie Scientifique chez Flammarion, reprend son hypothèse, émise quelques années auparavant, que toute matière est radioactive, et ajoute qu'elle contient une énergie intra-atomique prodigieuse. Il montre qu'une pièce de cuivre de un centime (qui pèse un gramme) contient autant d'énergie que plusieurs centaines de tonnes de houille.(La Revue scientifique, 31 octobre 1903; L'année scientifique 1903).
Le calcul fait par Gustave Le Bon est simple.
Se basant sur la constatation de l'énorme
vitesse des particules émises par les corps radioactifs, et prenant
pour valeur moyenne de ces vitesses une fraction k de celle de la lumière
(Le Bon prend k=1/3), une matière radioactive de masse m dégage
en se désagrégeant complètement, une énergie
au moins égale à : k² m c² /2 , ce qui est
déjà colossal lorsque m vaut seulement un gramme. Il généralise
cette formule à toute matière, et explique par celle-ci l'origine
de la chaleur continuelle dégagée par le soleil.
En 1904 d'autres physiciens, dont J.J. Thomson, proposeront
aussi des formules d'énergie pour la matière.
Max Abraham, toujours en 1904, par des calculs basés
sur ce que vient de publier Lorentz à propos de l'électron
et de l'électromagnétisme, donnera la bonne expression.
En se basant uniquement sur la chaleur dégagée
par un gramme de radium, Rutherford et Soddy obtiennent aussi un chiffre
élevé, qui représentent plusieurs centaines de kilos
de charbon, ce qui est toutefois beaucoup moindre que la formule proposée
par Le Bon.
J'ouvre une parenthèse.
La démonstration de Gustave Le Bon m'inspire
le raisonnement approximatif suivant que l'on aurait pu faire en
1903, et il n'est pas certain que personne ne l'ait fait :
Les particules bêta émises par le radium
ont une vitesse proche de c, qui est celle de la lumière. Si toute
la matière se dissocie en particules bêta, ce qui semble alors
le stade ultime de la désagrégation, une masse m contient
donc une énergie (cinétique) d'environ mc²/2 d'après
la mécanique classique (Je ne tiens pas compte de la variation de
masse avec la vitesse). En plus des particules bêta, on constate
un rayonnement gamma très puissant, si on suppose l'énergie
gamma égale à l'énergie bêta, on trouve que
l'énergie contenue dans une masse m est E=mc².
Les particules alpha, très lourdes et beaucoup
moins rapides, sont des atomes intermédiaires non encore complètement
désagrégées mais qui à leur tour le seront.
La formule obtenue n'est pas vraiment démontrée,
mais correspond mieux aux réalités radioactives constatées.
On voit ici qu'un raisonnement vraiment vague permet de produire
une formules juste.
Fin de la parenthèse.
(Rappel : en mécanique classique, un corps de masse m qui se déplace à la vitesse v a une énergie cinétique de mv²/2 .)
En 1904 Gustave Le Bon dans deux articles intitulés
: "La dématérialisation de la matière"
et "La matérialisation de l'énergie"
, parus dans la Revue scientifique, émet l'idée de
l'équivalence de la masse et de l'énergie.
Il publie ensuite un livre qui expose son travail
:"L'évolution de la Matière",
traduit dans de nombreuses langues.
Pour Le Bon : " La force est
la matière sont deux formes diverses d'une même chose."
"..., il s'ensuit qu'un corps qui rayonne
perd, par le seul fait de ce rayonnement, une partie de sa masse; s'il
pouvait rayonner toute son énergie, il s'évanouirait entièrement
dans l'éther."
Le Bon a écrit de nombreux autres articles, et fait, sur ce sujet, des comptes rendus à l'Académie des Sciences. Ses idées furent universellement connues, mais diversement appréciées. Souvent rejetées, car contredisant le principe de conservation de la masse établi par Lavoisier. Henri Poincaré avait aussi objecté que cette énorme quantité d'énergie rendait toute matière très instable, contrairement à l'expérience.
Le Bon fut parfois comparé, par certains journaux anglais, à Darwin ou Newton.
Voici ce qu'écrit Le Bon à propos de la dématérialisation de la matière : " Le savant qui trouvera le moyen de dissocier instantanément 1 gramme d'un métal quelconque, radium plomb ou argent, ne verra pas le résultat de son expérience. L'explosion produite sera tellement formidable que son laboratoire et toutes les maisons voisines seront instantanément pulvérisés avec leurs habitants."
Le Bon était médecin et sociologue (médecin, ou ayant fait des études de médecine, comme beaucoup d'autres qui travaillèrent dans le domaine des sciences tels Young, Mayer, Darwin, Helmholtz, Foucault etc...). Il est maintenant surtout connu pour ses travaux en sociologie. L'idée première de l'équivalence matière énergie, qu'il revendique, semble bien provenir de lui. Elle était en tout cas, bien répandue et soutenue par des formules, lorsqu'Einstein publia ses travaux en 1905.
Je précise que Poincaré publia ses
oeuvres philosophiques, chez Flammarion, dans la collection fondée
par Le Bon.