Ondes et Relativité
Serge Cabala
Aspects historiques des ondes et de la relativité.

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Annexe 3.
Le texte ci-dessous vous montrera à quel point, encore en 1909, l'éther était la notion fondamentale. Vous constaterez l'esprit très mécaniste de l'école anglaise. Je rappelle que J.J. Thomson fut le directeur du Cavendish Laboratory à Cambridge de 1883 à 1908, période durant laquelle ce laboratoire fut le plus célèbre au monde. Le mot éther est mis en rouge pour montrer sa très grande fréquence. (Le texte est extait du livre: Lecture Scientifiques sur la Physique, par Henri Coupin. Librairie Armand Colin, édtion 1911.)
 
La Matière, l'Énergie et l'Éther
Par Sir J.J. THOMSON.
Discours prononcé à l'ouverture du Congrès de 1909 de l'Association britannique pour l'avancement des sciences, à
Winnipeg (Canada). (Revue scientifique, 9 juillet 1910). Trad. A. Lepape.
. . . La matière dont j’ai parlé jusqu’ici est la matière qui constitue la Terre, le Soleil et les étoiles, la matière que le chimiste étudie et qu’il peut symboliser par une formule; cette matière ne représente, cependant, qu’une insignifiante fraction de l’univers, elle forme seulement d’étroites îles au milieu du vaste océan de l’éther, substance dont l’univers entier est rempli.

   L’éther n’est pas une création imaginaire de l’esprit du philosophe spéculatif; c’est quelque chose qui nous est aussi essentiel que l’air que nous respirons. Nous devons, en effet, nous souvenir que, sur cette terre, nous ne subsistons pas a l’aide de nos propres ressources; nous dépendons de minute en minute, de ce que le Soleil nous envoie, et c’est grâce à l’éther que les dons du Soleil parviennent jusqu’à nous. Le Soleil ne nous donne pas seulement le jour et la nuit, le printemps et l’été; c’est à l’énergie solaire, emmagasinée dans le charbon, dans les chutes d’eau, dans les aliments, qu’est due, pratiquement, toute l’activité du monde.

   On se rend compte de l’importance des subsides que le Soleil nous prodigue en remarquant que la quantité de chaleur reçue par la Terre, quand le Soleil est haut et le ciel serein, est, d’après les mesures de Langley, d’environ 17 000 chevaux-vapeur par hectare. Quoique nos ingénieurs n’aient pas encore découvert le moyen d’utiliser cette énorme provision de force, ils y réussiront enfin, je n’en ai pas le moindre doute; et, quand le combustible sera épuisé, que la puissance fournie par l’eau sera devenue insuffisante, il n’est pas impossible que là soit la source d’où le monde tirera l’énergie nécessaire à son activité. Quand cette époque arrivera, nos centres d’activité industrielle seront peut-être transportés dans les brûlants déserts du Sahara, et la valeur de la terre se déterminera d’après sa capacité à recevoir les engins destinés à capter les rayons du Soleil.

   Cette énergie, entre le moment où elle quitte le Soleil et l’instant où elle atteint la Terre, doit se trouver dans l’espace qui les sépare. Ainsi, l’espace doit contenir quelque chose qui, de même que la matière ordinaire, est capable d’emmagasiner l’énergie, qui est susceptible de transporter avec une vitesse considérable l’énergie accompagnant la lumière et la chaleur, et qui, en outre, peut mettre en jeu les énormes forces nécessaires au maintien du mouvement de la Terre autour du Soleil et de la Lune autour de la Terre.

   L’étude de cette substance qui pénètre tout est peut-être la tâche la plus attrayante et la plus importante du physicien.

D’après la théorie électromagnétique de la lumière, aujourd’hui universellement acceptée, l’énergie qui se déverse sur la Terre voyage à travers l’éther sous forme d’ondes électriques; ainsi, pratiquement, toute l’énergie dont nous disposons fut, à un moment donné, à l’état d’énergie électrique. L’éther doit donc être le siège de forces électriques et magnétiques. Nous connaissons, grâce au génie de Maxwell, le fondateur et l’inspirateur de la théorie électrique moderne, les équations qui expriment la relation entre ces forces; et, quoique, pour plusieurs usages, ces équations soient tout ce dont nous avons besoin, encore reste-t-il qu’elles ne nous renseignent pas beaucoup sur la nature de l’éther.

   En outre, dans certains esprits, les équations ne provoquent qu’un intérêt quelque peu platonique; quelque chose plus grossièrement mécanique - un modèle, par exemple, - est, aux yeux d’un grand nombre, plus suggestif et plus maniable ; et, pour eux, c’est un plus puissant instrument de recherche, qu’une théorie purement analytique.

   L’éther est-il dense ou léger? Quelle est sa structure? Est-il en repos ou en mouvement? Voilà des questions qui s’imposent d’elles-mêmes a nous. Considérons quelques-uns des faits que nous connaissons à propos de l’éther.

   Quand la lumière tombe sur un corps et y est absorbée, le corps reçoit une pulsation dirigée dans le sens de la propagation des ondes lumineuses, et, si ce corps est susceptible de se déplacer, il est mis en mouvement par la lumière. Or, c’est un principe fondamental de la Dynamique que, lorsqu’un corps est mis en mouvement dans une certaine direction, ou, comme on dit en Dynamique, acquiert une quantité de mouvement relativement à cette direction, une autre masse doit perdre la même quantité de mouvement; en d’autres termes, ce principe affirme que la quantité de mouvement répartie dans l’univers est constante. Ainsi, quand le corps est poussé en avant par la lumière, quelque autre système doit perdre la quantité de mouvement acquise par le corps; et l’unique système qui se présente à cet effet est l’onde lumineuse qui a frappé le corps; d’où il résulte que l’onde a dù posséder une certaine quantité, de mouvement dans la direction de sa propagation. Cependant, quantité de mouvement implique masse en mouvement. Nous concluons donc que, dans l’éther, où l’onde voyage, il y a une masse en mouvement avec la vitesse de la lumière. Les expériences effectuées sur la pression produite par la lumière nous permettent de calculer cette masse; et nous trouvons que, pour un kilomètre cube d’éther, transmettant une intensité lumineuse égale à celle de la lumière solaire à la surface de la terre, la masse on mouvement est seulement environ un cinquante millionième de milligramme. On doit prendre garde de ne pas confondre cette masse avec la masse d’un kilomètre cube d’éther : c’est simplement la fraction de masse qui entre en mouvement lors du passage de la lumière; la plus grande partie de l’éther n’est pas troublée par ce passage. Or, d’après la théorie électromagnétique de la lumière, une onde lumineuse peut être considérée comme formée par des faisceaux de lignes de force électrique se déplaçant avec la vitesse de la lumière; et, si nous nous plaçons à ce point de vue, il nous est possible de montrer que, par centimètre cube, la masse d’éther entraînée est proportionnelle à la quantité d’énergie de ces lignes de force électrique, divisée par le carré de la vitesse de la lumière. Mais, bien que les lignes de force électrique entraînent un peu d’éther quand elles se déplacent, la quantité ainsi transportée, même dans les champs électriques les plus intenses que nous sachions produire, n’est qu’une intime fraction de l’éther qui les entoure.

   C’est ce que prouve une expérience effectuée par Sir Oliver Lodge, et dans laquelle la lumière traversait un champ électrique en mouvement rapide. Si le champ électrique avait entraîné la totalité de l’éther, la vitesse de la lumière aurait augmenté en même temps que la vitesse du champ. En fait, aucun accroissement ne pût être mis en évidence, quoiqu’il aurait été enregistré s’il se fût élevé à la millième partie de la valeur du champ.

   L’éther entraîné par une onde de lumière ne doit être qu’une partie infiniment petite de l’éther contenu dans le volume que l’onde occupe. Certaines parties de cet éther sont en mouvement, mais la portion, de beaucoup la plus grande, est en repos; ainsi, sur le front de l’onde, l’uniformité ne peut exister; en quelques endroits, l’éther est en mouvement, en d’autres, il est en repos - en d’autres termes, l’aspect du front de l’onde doit ressembler davantage à celui de points brillants disséminés sur un fond sombre, qu’à celui d’une plage uniformément éclairée.

   Les points où la densité de l’éther entraîné par un champ électrique est maximum seront situés près d’un corpuscule, car les champs électriques qui existent autour des corpuscules sont de beaucoup les plus intenses de tous ceux que nous connaissons. Nous savons quelle est la masse du corpuscule; les expériences de Kaufmann nous ont appris qu’elle est entièrement d’origine électromagnétique et qu’en conséquence elle est due à l’éther qui accompagne le corpuscule, éther entraîné par les lignes de force qui en jaillissent.

   Un calcul simple montre que la moitié de cette masse est contenue dans un volume égal à sept fois celui du corpuscule. Puisque nous connaissons le volume et la masse d’un corpuscule, nous pouvons déduire de ces données la densité de l’éther qui lui est adhérent; on trouve que cette densité s’exprime par le nombre prodigieux 5x1010 environ, soit à peu près 2000 millions de fois la densité du plomb. Sir Oliver Lodge, par des considérations légèrement différentes, a obtenu un nombre du même ordre de grandeur.

   Ainsi, autour du corpuscule, l’éther possède une densité extraordinaire. La densité est-elle aussi forte en d’autres points? Pour répondre à cette question il faudrait savoir si l’éther est ou n’est pas compressible. S’il est compressible, il peut alors se trouver condensé autour des corpuscules et donner lieu à une densité locale anormalement élevée; mais s’il n’est pas compressible, sa densité, dans l’espace libre, ne peut pas être inférieure au nombre que je viens de mentionner.

   A cet égard, il faut se souvenir que les forces qui agissent sur l’éther, près du corpuscule, sont prodigieuses. Supposons, par exemple, que l’éther soit un gaz idéal dont la densité croisse proportionnellement à la pression, quelque élevée que soit cette dernière; dans ces conditions, si, soumis aux pressions qui existent suivant certaines directions près du corpuscule, l’éther avait la densité établie ci-dessus, sa densité, sous la pression atmosphérique, serait seulement environ 8x10-16; c’est-à-dire que la masse d’un kilomètre cube serait inférieure à un gramme; de sorte qu’au lieu d’être incomparablement plus dense que le plomb, l’éther serait incomparablement plus subtil que le plus léger des gaz.

   Jusqu’à présent, il n’y a, à ma connaissance, aucun effet qui nous permette de déterminer Si l’éther est compressible ou incompressible. Et, quoique, à première vue, l’idée que nous sommes plongés dans un milieu presque infiniment plus dense que le plomb, paraisse inconcevable, il n’en est plus ainsi si nous nous souvenons que, selon toute probabilité, la matière est principalement faite de trous. En réalité, nous pouvons considérer la structure de la matière comme analogue à celle d’une sorte de cage d’oiseaux, d’où il résulte que le volume d’éther perturbé par les barreaux quand la cage se déplace est infiniment petit en comparaison du volume que ces barreaux limitent. En adoptant cette manière de voir, la grande densité de l’éther ne donne lieu à aucune difficulté : il suffit d’accroître l’intervalle des barreaux proportionnellement à l’augmentation de la densité de l’éther.

   Recherchons maintenant quelle est la quantité d’éther entraînée par la matière ordinaire, et essayons de prévoir quels effets peuvent en résulter.

   Le système électrique le plus simple que nous puissions concevoir, une sphère électrisée, retient une masse d’éther proportionnelle à son énergie potentielle et telle que, si cette masse devait se mouvoir avec la vitesse de la lumière, son énergie cinétique deviendrait égale à l’énergie potentielle électrostatique de la sphère. En étendant ce résultat à un système électrisé quelconque, on voit qu’un tel système s’empare d’une masse d’éther proportionnelle à son énergie potentielle. Ainsi, une fraction de la masse d’un système quelconque est proportionnelle à l’énergie potentielle du système.

   Une question se pose alors : cette partie de la masse accroît-elle le poids du corps? Si l’éther échappait aux lois de la gravitation universelle, elle n’y ajouterait évidemment rien; et, même si l’éther était pondérable, étant donné que le corps baigne dans un océan d’éther, il se pourrait que la quantité d’éther fixée au corps ne se traduise par aucune variation de son poids. Mais, si l’éther est impondérable, il en résulte qu’un corps possédant une énergie potentielle élevée a une part appréciable de sa masse sous une forme telle qu’elle n’accroît pas son poids; en conséquence, le poids d’une masse donnée de ce corps peut être inférieur au poids d’une masse égale d’un autre corps quelconque dont l’énergie potentielle est moindre. Ainsi, les poids de masses égales de ces substances seraient différents. Or, les expériences sur les pendules, ainsi que Newton l’a remarqué, nous permettent de déterminer avec une haute précision les poids de masses égales de diverses substances. Newton lui-même a exécuté des expériences de ce genre, et il a trouvé que les poids de masses égales étaient les mêmes pour tous les corps qu’il a examinés. Bessel, en 1830, reprit sur ce sujet quelques expériences qui sont toujours les plus précises que nous possédions, et il montra que les poids de masses égales de plomb, d’argent, de fer, de laiton ne diffèrent que de moins d’une partie pour 60 000.

   Cependant, les substances essayées par Newton et Bessel ne comprenaient pas l’un quelconque de ces corps doués du merveilleux pouvoir de radioactivité; la découverte de ces derniers n a été faite que beaucoup plus tard, c’est l’une des plus brillantes acquisitions de la physique moderne.

   Ces substances radioactives dégagent constamment de grandes quantités de chaleur, et probablement aux dépens de leur énergie potentielle; donc, quand elles atteignent leur état final non radioactif, leur énergie potentielle doit être moindre que lorsqu’elles étaient radioactives. Les mesures faites par le professeur Rutherford montrent que l'énergie émise par un gramme de radium au cours de sa dégradation totale est égale à l'énergie cinétique d'une masse d'un treizième de milligramme se déplaçant avec la vitesse de la lumière.

   Cette énergie, d'après la règle que j'ai énoncée, correspond à une masse d'éther d'un treizième de milligramme. Ainsi il doit y avoir, associé à un gramme de radium à l'état radioactif, au moins un treizième de milligramme d'éther en plus, que lorsque cette masse de radium s'est dégradée en substances non radioactives. Par conséquent, si cet éther n'augmente pas le poids du radium, le quotient de la masse par le poids sera plus grand pour le radium lui-même que pour ses produits non radioactifs, et cela, dans le rapport d'environ 1 à 13000.

   J'ai essayé, il y a plusieurs années, de déterminer, pour le radium, le rapport de la masse au poids, en faisant osciller un petit pendule constitué par du radium. Je n'avais à ma disposition qu'une petite quantité de radium et je ne pouvais, en conséquence, prétendre à une grande précision. J'ai trouvé que, s'il existe entre le radium et d'autres substances une différence dans le quotient de la masse par le poids, cette différence ne peut être supérieure à la fraction 1/2000. Récemment nous avons utilisé, au Laboratoire Cavendish, un pendule dont la boule était remplie d'oxyde d'uranium. De bonnes raisons nous permettent de supposer que l'uranium est l'un des ascendants du radium, de sorte que la grande énergie potentielle et la forte masse d'éther possédées par le radium seront également présentées dans l'uranium. Les expériences ne sont pas encore terminées. Et il peut être excessif d'oser espérer que les substances radioactives peuvent ajouter encore aux immenses services qu'elles ont déjà rendus à la science, celui d'offrir le premier exemple d'une différence dans l'action de la gravité.

   La masse d'éther engagée dans un système quelconque est telle que, si on communiquait à cette masse d'éther la vitesse de la lumière, son énergie cinétique serait égale à l'énergie potentielle du système. Ce résultat suggère une nouvelle conception de la nature de l'énergie potentielle. L'énergie potentielle est habituellement considérée comme essentiellement différente de l'énergie cinétique. D'une part, l'énergie potentielle dépend de la configuration du système et peut être calculée à partir de celle-ci, quand nous possédons les données requises; d'autre part, l'énergie cinétique dépend de la vitesse du système. D'après le principe de la conservation de l'énergie, les deux formes peuvent se convertir réciproquement l'une en l'autre, suivant une certaine loi de transformation, de sorte que lorsqu'une unité de l'une des deux espèces disparaît, une unité de l'autre espèce apparaît simultanément.

   Or, en des cas très nombreux, cette loi nous suffit pour déterminer la manière dont se comportera le système, et la notion d'énergie potentielle est d'une inappréciable valeur, car elle rend susceptibles d'être utilisées par le calcul mathématique les données obtenues par l'expérience et l'observation. Cependant, il me semble qu'on doit admettre que, au point de vue purement philosophique, cette conception donne lieu à une objection sérieuse. Par exemple, elle s'oppose au principe de continuité. Quand une chose passe d'un état A à un état différent B, le principe de continuité exige qu'elle traverse un certain nombre d'états intermédiaires entre A et B, de sorte que la transition ait lieu graduellement et non brusquement. Or, quand l'énergie cinétique se transforme en énergie potentielle, quoiqu'il n'y ait pas de variation dans la quantité d'énergie, il y a discontinuité dans sa qualité, car nous ne connaissons pas d'énergie d'espèce intermédiaire entre l'énergie due au mouvement et celle due à la position du système; et on suppose que certaines portions d'énergie passent per saltum de la forme cinétique a la forme potentielle. Dans le cas de la transformation, dans un gaz, de l'énergie cinétique en énergie calorifique, la discontinuité a disparu avec une connaissance plus complète de la nature de l'énergie calorifique d'un gaz. A l'époque où nous ignorions quelle est la source de cette énergie, la conversion de l'énergie cinétique en énergie thermique paraissait discontinue; mais, aujourd'hui, nous savons que cette dernière énergie est l'énergie cinétique des molécules du gaz; de sorte qu'il n'y a pas de changement de l'espèce d'énergie quand l'énergie cinétique d'un mouvement visible est transformée en énergie thermique d'un gaz - ce n'est qu'un transfert d'énergie cinétique d'un corps à un autre.

   Si nous regardons l'énergie potentielle comme étant l'énergie cinétique des portions de l'éther adhérentes au système, il résulte de cette manière de voir que toute énergie est de l'énergie cinétique, puisqu'elle est due au mouvement de la matière ou des portions d'éther attachées à la matière. J'ai montré il y a déjà longtemps, dans mes Applications de la Dynamique à la Physique et à la chimie, que nous pouvions simuler les effets de l'énergie potentielle d'un système à l'aide de l'énergie cinétique de systèmes invisibles liés au système principal d'une manière convenable, et que, en réalité, l'énergie potentielle de l'Univers visible pourrait être l'énergie cinétique d'un Univers invisible, avec lequel le premier serait en relation. Il est naturel de supposer que cet Univers invisible est l'éther luminifère, que certaines parties de l'éther, en mouvement rapide, sont reliées aux systèmes visibles et que leur énergie cinétique n'est que l'énergie potentielle de ces systèmes.

   Ou peut donc assimiler l'éther à une banque où nous pouvons déposer ou retirer l'énergie à notre gré. La masse d'éther adhérente à un système changera en même temps que l'énergie potentielle, et, par conséquent, la masse d'un système dont l'énergie potentielle varie ne peut pas être constante; cependant, dans les conditions ordinaires, les variations de masse sont si faibles que nous ne pouvons les déceler par aucun des moyens actuellement à notre disposition. Puisque les diverses formes de l'énergie potentielle se changent continuellement en énergie calorifique, qui est l'énergie cinétique des molécules matérielles, la masse d'un système tel que la Terre où le Soleil tend constamment à diminuer, et, par conséquent, la masse d'éther retenue par l'univers matériel devient, avec le temps, de plus en plus petite; cependant, la vitesse avec laquelle elle diminuerait décroîtrait elle-même au fur et à mesure que le temps s'écoule, de sorte qu'il n'y a pas de raison de penser que cette masse d'éther s'abaissât jamais au-dessous d'une valeur très élevée.

   Le rayonnement de la lumière et de la chaleur émises par un corps incandescent comme le Soleil entraîne, pour le corps, une constante perte de masse. Chaque unité d'énergie rayonnée emporte sa part de masse; mais, attendu que la masse expulsée, annuellement, par le Soleil n'est que un vingtbillionième (1 partie pour 2x lO13) de la masse du Soleil, et que cette diminution de masse n' est pas nécessairement accompagnée d'une décroissance de l'attraction gravifique, nous ne pouvons pas espérer être capables de mettre ce phénomène en évidence.

   Tandis que notre connaissance des propriétés de la lumière progressait, nous étions obligés de reconnaître que l'éther possède, pendant qu'il transmet la lumière, des propriétés qui, avant l'introduction de la théorie électromagnétique auraient paru se référer à une théorie de l'émission et, par suite, devenir funestes à la théorie selon laquelle la lumière est constituée par des ondulations.

   Considérons, par exemple, la pression exercée par la lumière. Elle serait chose allant de soi si nous supposions la lumière formée de petites particules animées de grandes vitesses, car, celles-ci, en frappant un corps, tendraient manifestement à le faire avancer, tandis que d'après la théorie ondulatoire, il ne semblerait y avoir aucune raison pour qu'un effet de ce genre se produise.

   En effet, en 1792, ce point même était regardé comme fournissant un moyen de juger les théories; et Bennett fit des expériences pour voir si, oui ou non, il pourrait déceler quelque trace de cette pression. On sait, maintenant, que la pression existe, et Bennett aurait dû l'observer si son instrument avait été plus sensible. Il est peut-être très heureux que Bennett n'ai pas eu à sa disposition un appareil plus délicat. S'il eût découvert la pression de la lumière, il aurait ébranlé la confiance qu'on avait dans la théorie ondulatoire et entravé le magnifique travail qui, au début du siècle précédent, a si largement étendu nos connaissances en optique.

   Pour prendre un autre exemple, envisageons la question de la distribution de l'énergie dans une onde lumineuse. Selon la théorie de l'émission, l'énergie de la lumière est l'énergie cinétique des particules lumineuses. Ainsi, l'énergie lumineuse serait constituée par des unités distinctes, l'unité étant l'énergie d'une particule.

   L'idée que l'énergie a une structure de ce genre a obtenu récemment un solide appui. Planck, dans une très remarquable série de recherches sur la Thermodynamique de la Radiation, a remarqué que, dans le cas de l'énergie rayonnante, la forme des expressions obtenues pour l'énergie et l'entropie était de nature à suggérer que l'énergie de rayonnement, comme l'énergie d'un gaz dans la théorie moléculaire, serait constituée d'unités distinctes, la grandeur de l'unité dépendant de la couleur de la lumière; et, à l'aide de cette hypothèse, il put calculer la valeur de l'unité et en déduire, incidemment, la constante d'Avogadro, c'est-à-dire le nombre des molécules contenues dans un centimètre cube d'un gaz, à la température et à la pression normales.

   Ce résultat est fort intéressant et important, parce que, s'il était une déduction légitime de la seconde Loi de la Thermodynamique, il impliquerait comme conséquence que, pour les radiateurs qui émettent de la lumière, et pour les récepteurs qui l'absorbent, seul un type déterminé de mécanisme serait conforme à cette loi.

   S'il en était ainsi, en considérant alors l'Univers comme un ensemble de machines obéissant toutes aux lois de la dynamique, la seconde Loi de la Thermodynamique ne serait vraie que pour un modèle déterminé de machines.

   Cependant, il semble s'élever contre cette manière de voir une objection grave, que je puis mettre en lumière par l'exemple de la première Loi de la Thermodynamique, le principe de la conservation de l'Énergie. Ce dernier doit être vérifié quelle que soit la nature des machines dont l'Univers est composé, pourvu que ces machines suivent les lois de la Dynamique; l'application, sous quelque forme que ce soit, du principe de la conservation de l'Énergie ne peut pas nous permettre de distinguer un type de machine d'un autre.

   Or, on doit s'attendre à ce que la seconde Loi de la Thermodynamique, bien que n'étant pas un principe de dynamique dans un sens aussi strict que la loi de la conservation de l'Energie, soit vraie pour un nombreux ensemble de machines quelconques, pourvu qu'on ne puisse pas agir sur chaque machine individuellement, mais observer seulement les effets moyens produits par un très grand nombre d'entre elles. D'après cette manière de voir, la seconde Loi, de même que la première, serait incapable de dire si les machines sont de quelque type déterminé; de sorte que, à mon sens, les investigations fondées sur la Thermodynamique, quoi que les formules auxquelles elles aboutissent puissent suggérer, ne peuvent pas être considérées comme démonstratives de la structure discontinue de l'énergie lumineuse.

   Tout se passe comme si, dans l'application de la Thermodynamique aux radiations, quelque hypothèse additionnelle avait été implicitement introduite; car ces applications conduisent à définir des relations entre l'énergie d'une lumière de longueur d'onde quelconque et la température du corps lumineux.

   Une explication possible de l'émission de la lumière par les corps incandescents consiste à supposer que celle-ci est produite par les chocs des corpuscules contre les molécules du corps chaud; mais ce serait uniquement pour une loi de force particulière entre les corpuscules et les molécules que la distribution de l'énergie se confondrait avec celle déduite par la seconde Loi de la Thermodynamique; de sorte que, dans ce cas comme dans le précédent, les résultats fournis par l'application de la Thermodynamique aux radiations nous obligent à supposer que la seconde Loi de Thermodynamique n'est vraie, pour les radiations, que lorsque celles-ci sont produites par des mécanismes d'un type spécial. Cependant, à la suite de considérations tout à fait différentes de celles de la Thermodynamique, on est arrivé à supposer que, en de nombreux cas, les rayons des sources lumineuses sont constitués par des particules possédant, à partir d'une certaine vitesse initiale, une quantité définie d'énergie. Considérons, par exemple, un gaz comme la vapeur de sodium, qui émet une lumière de longueur d'onde bien définie; on peut imaginer que cette lumière, constituée par des ondes électriques, est produite par des systèmes analogues aux bouteilles de Leyde. L'énergie possédée primitivement par un tel système sera l'énergie électrostatique de la bouteille chargée. Au moment où les vibrations s'établissent, cette énergie est rayonnée à travers l'espace, les radiations émises formant un système complexe qui contient l'énergie accumulée sur la bouteille de Leyde, si la résistance électrique de celle-ci est négligeable.

   La quantité d'énergie dépendra des dimensions de la bouteille et de sa charge électrique. En ce qui concerne la charge, nous ne devons pas oublier que nous considérons des systèmes constitués par de simples molécules, de sorte que la charge consistera seulement en une ou deux unités naturelles d'électricité ou, tout au plus en quelques cas, en un multiple de cette unité; et, pour des bouteilles de Leyde géométriquement semblables, l'énergie sera, pour une charge donnée, proportionnelle à la fréquence des vibrations; ainsi, l'énergie, dans le faisceau rayonné, sera proportionnelle à la fréquence des vibrations.

   Nous pouvons nous représenter la radiation comme formée de lignes de force qui, avant l'excitation des vibrations, étaient immobilisées par les charges de la bouteille de Leyde, mais qui, aussitôt que les vibrations commencent, sont agitées on ondulations rythmiques, libérées de la bouteille et lancées dans l'espace où elles circulent alors avec la vitesse de la lumière.

   Supposons maintenant que ce système rencontre un condensateur déchargé et lui communique une certaine charge d'électricité; sur chaque plateau du condensateur, la charge devra être au moins d'une unité d'électricité, parce que des fractions de cette charge n'existent pas, et chaque charge-unité sera le point d'insertion d'un tube de force unité provenant de la parcelle de radiation frappant ce point. Ainsi, un tube de lumière incidente sera retenu par le condensateur, et la parcelle formée par ce tube sera fixée et enlevée comme un tout au faisceau de lumière rencontrant le condensateur. Si, pour charger le condensateur d'une unité d'électricité, l'énergie nécessaire est supérieure à l'énergie de la parcelle incidente, le tube ne sera pas retenu, la lumière traversera le condensateur et s'en échappera. Ces principes que la radiation est composée d'unités, et que chaque unité doit posséder une quantité déterminée d'énergie pour faire vibrer le corps qu'elle frappe, trouvent, peut-être, leur plus brillante illustration dans les lois remarquables qui régissent les rayons de Röntgen secondaires découverts dernièrement par le professeur Barkla. Ce savant a trouvé que chacun des divers éléments chimiques, s'il est exposé aux rayons de Röntgen, émet une radiation secondaire de type défini quel qu'ait pu être le type de la radiation primaire; ainsi le plomb fournit un certain type de rayons, le cuivre, un autre, et ainsi de suite; mais ces rayons ne se produisent plus du tout si les rayons primaires sont plus doux que les rayons spécifiques que la substance peut émettre; ainsi les rayons secondaires du plomb étant plus durs que ceux du cuivre, si le cuivre est exposé aux rayons de plomb, le cuivre rayonnera, mais l'excitation n'aura pas lieu si c'est le plomb qui est exposé aux rayons secondaires du cuivre. Par conséquent, si nous admettons que l'énergie d'une unité de rayons de Röntgen durs est plus grande que celle d'une unité de rayons doux, les résultats de Barkla sont remarquablement analogues à ceux qu'on déduirait de la théorie particulaire de la lumière.

   Quoique nous ayons de fortes raisons pour croire que l'énergie des vibrations lumineuses de longueur d'onde déterminée est distribuée en faisceaux de tubes de force, et que ceux-ci contiennent tous, à l'émission, là même quantité d'énergie, je ne pense pas qu'on puisse supposer avec quelque raison que, dans un spécimen quelconque de lumière de cette même longueur d'onde, qui a subi, après son émission, de nombreuses réfractions ou réflexions, les faisceaux composants possèdent encore une quantité déterminé d'énergie. Considérons ce qui doit se passer quand un faisceau lumineux rencontre une surface de verre, par exemple, où une partie de l'énergie est réfléchie et une partie transmise. Le faisceau est divisé on deux fractions, dans chacune desquelles l'énergie est moindre que dans le faisceau incident, et, puisque ces fractions divergent et peuvent enfin se trouver distantes de plusieurs milliers de kilomètres, il semble que l'idée de les regarder encore comme constituant une unité soit dénuée de sens. Ainsi, la quantité d'énergie des faisceaux de tubes de force qui constituent la lumière, après réflexion partielle, ne sera pas la même qu'à l'époque de l'émission. L'étude des dimensions de ces faisceaux, par exemple, de l'angle qu'ils sous-tendent à la source lumineuse, est un intéressant sujet de recherche; des expériences sur l'interférence de rayons lumineux émergeant dans différentes directions de la source jetteraient probablement quelque lumière sur ce point.

Annexe 4.                Sommaire.
 
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